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06/12/2011

Partir ou rester : Le dilemme des immigrés retraités

retraite02.jpgRetourner au pays ou vieillir en France, tel est le dilemme auquel doivent faire face nombre de travailleurs d’origine africaine au moment de la retraite.


« Chez nous, une personne âgée est considérée comme quelqu’un d’important, quelqu’un qui a des choses à transmettre (…), explique Sosthène, immigré rwandais de 63 ans interviewé par un magazine d’actualité sociale bruxellois (1). Ici (en Belgique), on ne considère plus les personnes âgées comme pouvant apporter quelque chose, mais comme un poids dont il faut s’occuper. »Le propos de Sosthène résume le dilemme de nombreux retraités originaires d’Afrique subsaharienne vivant en Europe.

À l’heure de la retraite, beaucoup se retrouvent confrontés à un choix cornélien : rester ou partir au pays ? La sociologue Claudine Attias-Donfut a étudié les trajectoires des retraités originaires d’Afrique subsaharienne en France (2). Elle remarque d’abord, rejoignant en cela le témoignage de Sosthène, le statut privilégié de la vieillesse en Afrique subsaharienne. En raison de la valorisation du grand âge sur cette partie du continent, les immigrés originaires d’Afrique subsaharienne sont plus nombreux que les autres immigrés à désirer retourner au pays pour leur vieillesse. Mais si leurs intentions de retour sont nombreuses, seuls 17 % des immigrés originaires d’Afrique subsaharienne sautent le pas (c’est le cas pour 7 % de l’ensemble des immigrés en France).

C’est donc le choix de rester en France qui s’impose chez ces retraités, en particulier chez les femmes. « Moi je me vois mal laisser mes enfants là pour retourner en Afrique », explique Joëlle, quinquagénaire originaire du Burkina Faso. Le lien aux enfants et petits-enfants est ainsi une raison souvent avancée par les enquêtées. Cette différence d’attitude entre hommes et femmes tiendrait aussi au fait qu’« en Afrique, le statut des hommes – surtout âgés – y est plus valorisé que celui des femmes, mêmes âgées », note la sociologue, bien que les conditions des femmes âgées diffèrent selon les sociétés en Afrique.

Soins et solitude

Pour les hommes comme pour les femmes, la possibilité de mieux se soigner en France fait pencher la balance quand la vieillesse survient. « Ici, je suis à côté de l’hôpital. On a une bonne santé ici, c’est plus facile », explique Nasser, retraité d’origine malienne. Mais passer sa retraite en Afrique prémunit a contrario du risque de solitude lié à la vieillesse en Europe : « Là-bas, dans la vieillesse, on ne meurt pas seul, on ne vit pas seul », témoigne Fanta. En Afrique, l’attention portée aux plus âgés et leur prise en charge sont traditionnellement du ressort de la famille élargie. En France, le soutien des enfants en cas de dépendance n’est pas garanti. « Dans mon pays, il est de coutume que les enfants s’occupent de leurs vieux parents. Mais ici, ils n’en ont pas le temps. Ce n’est pas leur faute, c’est le mode de vie qui ne le permet pas », observe Sosthène.

Nombre d’immigrés subsahariens vivent finalement leur vieillesse comme une alternance entre la vie « ici et là-bas », faisant de fréquents allers et retours entre la France et leur pays d’origine. Le choix du lieu où vieillir pour ces retraités révèle leur situation d’« entre deux », pointée par C. Attias-Donfut. Une situation également illustrée par la question du lieu de sépulture : le rapatriement de leur corps dans le pays d’origine correspond pour certains à un retour à la patrie, aux parents par-delà la mort. Vieillir en France, reposer en terre natale : pour nombre de ces retraités, la fin de vie réactive des questionnements sur les appartenances et les liens transgénérationnels.

Tiré du site Scienceshumaines.com, écrit par Justine Canonne. 

NOTES

(1) Dossier « Migrant(e)s âgé(e)s : bien vieillir et mourir ici », AlterÉchos, n° 319 (supplément), juillet 2011.

(2) Claudine Attias-Donfut, « Au-delà de la vieillesse », in Jacques Barou (dir.), De l’Afrique à la France. D’une génération à l’autre, Armand Colin, 2011.

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