27/09/2012
Article dans La croix : En France, les évangéliques africains veulent sortir du communautarisme
Réunis jeudi dernier à Paris pour la première conférence des Églises issues de l'immigration africaine, une cinquantaine de pasteurs évangéliques se sont interrogés sur le repli identitaire de leurs Églises qui ne parviennent pas à attirer les Français de souche. Encore minoritaires, ils sont toutefois de plus en plus nombreux à vouloir se former pour pouvoir « évangéliser la France ».
Débarqué en France pour ses études en 1981, « born again » six ans plus tard, le pasteur camerounais Hugues Zoa a collaboré avec plusieurs pasteurs évangéliques avant d'ouvrir en 2007 sa propre Église, le Cep (centre évangélique protestant), une église de type charismatique pentecôtiste qui rassemble une quarantaine de fidèles à Bussy-Saint-Georges (Seine-et-Marne). Dans son idée, il n'était pas question de fonder une Église « exclusivement noire ». Au contraire : « Notre prière, assure-t-il, c'est que nous soyons à l'image de l'Église primitive où toutes les nations étaient représentées. » Pourtant, s'il a réussi à attirer, au-delà de ses seuls compatriotes, d'autres Africains et des Antillais, il reconnaît avec regret que rares sont les «Français de souche» à fréquenter le Cep. « Il est difficile de les rejoindre et, dans une communauté noire, ils peuvent se sentir vite isolés. » Son confrère congolais Victor Lutonadio dresse le même constat. Sur les 80 membres de son Église d'Asnières, Eau vive, une seule autochtone, l'épouse d'un immigré africain. « Nous sommes venus évangéliser les Français, mais nos Églises, au final, sont à majorité africaines ! Il nous faut nous remettre en question », résume le pasteur congolais Albert Watto, secrétaire général de l'Ecoc (Entente et coordination des œuvres chrétiennes) qui organisait jeudi à Paris la première conférence internationale des Églises issues de l'immigration africaine.
Si la cinquantaine de pasteurs réunis ne représentent qu'une minorité de cette vaste nébuleuse difficile à chiffrer – plus de 50 000 chrétiens en France –, tous ont partagé toutefois un même souci : « Les Églises protestantes issues de l'immigration, en pleine expansion depuis une vingtaine d'années, sont globalement très repliées sur elles-mêmes ! Pourtant, et c'est assez nouveau, de plus en plus de pasteurs réalisent qu'il leur faut s'adapter à la culture française pour évangéliser », constate le sociologue et pasteur guadeloupéen Jean-Claude Girondin.
Dans un premier temps, tous le reconnaissent, il est plus facile de démarrer une Église avec ses compatriotes et d'autres fidèles fragilisés eux aussi par la migration. D'autant que les Églises sont souvent un lieu de soutien à l'intégration. Mais une fois ce premier noyau constitué, il reste difficile d'élargir l'assemblée aux Français de souche. « Lorsque nous distribuons des prospectus, nous les retrouvons au sol, Dieu ne semble pas intéresser les Français. Ils s'en méfient. Il nous faut trouver un nouveau langage pour les rejoindre » , déplore Victor Lutonadio.
Pour le pasteur Jean Bikounou, la méfiance des Français nécessite de la part des pasteurs africains une formation solide : « Aujourd'hui des flots d'Africains convertis se lèvent un beau matin et décident de devenir pasteurs sans étudier la théologie, ce qui fait bien des dégâts. » Originaire du Congo-Brazzaville, impressionné par les tombes des missionnaires européens venus évangéliser son pays, il dit s'être senti appelé à partir pour la France « rappeler aux Occidentaux ce qu'ils nous ont apporté et ce qu'ils n'arrivent plus à transmettre ». Mais il s'est pour cela imprégné de culture française avant d'établir en 2001 son Église primitive apostolique de Christ, à Bordeaux. Jean Bikounou se targue d'avoir aujourd'hui une assemblée cosmopolite. « J'ai vite compris que si on veut évangéliser la France, il faut d'abord apprivoiser les Français par une amitié gratuite et chercher à comprendre leur héritage philosophique pour adapter son langage… »
De plus en plus de responsables évangéliques encouragent les pasteurs à se former à la culture du pays d'accueil. Des formations ont été mises en place à l'Institut biblique de Nogent et à la Faculté évangélique de Vaux-sur-Seine. « Beaucoup de pasteurs continuent à prêcher dans la langue du pays et les Français ne comprennent rien, remarque Kaminimini Omari Kilema, pasteur du Centre évangélique Maranatha à Bagnolet et président de l'Ecoc, qui a créé une commission consacrée à l'intégration. Nous commençons par les envoyer suivre les cours de remise à niveau en français dans les mairies. Nous les sensibilisons également au respect des horaires : si un Français de souche vient à un culte prévu pour finir à 13 heures et qu'il traîne jusqu'à 15 heures, il ne reviendra pas. » Idem pour la musique, très forte dans les cultes d'expression africaine, « trop forte pour les Français » …
Bien souvent, l'évangélisation des Français est plus facile pour la deuxième ou troisième génération. « Mes enfants comprennent mieux que moi leur langage », note Kaminimini Omari Kilema, qui, du coup, souhaite « impliquer » ses six enfants dans l'évangélisation… Lui aussi père de cinq enfants, Hugues Zoa reconnaît ainsi que la France a fini par « déteindre » sur lui. « Les Africains ont besoin d'entendre : “Si tu ne te convertis pas, tu vas aller en enfer …” Je suis plus modéré. Du coup, on me trouve désormais trop “européen” pour prêcher en Afrique. »
« Les Églises issues de l'immigration, de quoi parlons-nous ? »
La Fédération protestante de France vient de publier un document pédagogique de 24 pages consacré à la vaste galaxie des « Églises issues de l'immigration » et destiné, entre autres, aux municipalités. Le pasteur Marianne Guéroult, en charge du projet Mosaic de la Fédération protestante de France (FPF) pour les relations avec les Églises de migrants et leur intégration, y distingue les personnes issues de l'immigration qui fréquentent des Églises de la FPF et sont plutôt bien intégrées, des Églises créées par des migrants eux-mêmes. Au sein de ces dernières, certaines sont membres de la FPF ou du Conseil national des évangéliques de France (Cnef) et sont souvent « une aide à l'intégration des nouveaux migrants ». D'autres, en revanche, nombreuses et difficiles à situer, ne sont rattachées à aucune fédération. Charismatiques, pentecôtistes, voire néopentecôtistes, avec un leader autoproclamé, elles sont souvent peu structurées, fragiles. Leur problématique commune : la difficulté de trouver un lieu de culte.
Publié par HOYEAU Céline sur le site www.la-croix.com le 25/9/2012.
10:09 Publié dans Actualité des Eglises issues des migrations en Fra | Commentaires (1) | Lien permanent
Commentaires
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Écrit par : KANINGINI LUTALA | 03/10/2012
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