16/12/2011
La migration change les paysages ecclésiaux
Comment la migration change-t-elle les paysages ecclésiaux dans le monde? Quels sont ces changements, et quels effets exercent-ils sur les communautés de migrants? Que peuvent faire les Eglises pour encourager l’acceptation de la diversité et imaginer de nouvelles réponses à la question théologique “Qui est mon prochain?”, à l’ère de la mondialisation croissante.
Une conférence régionale du Conseil œcuménique des Eglises (COE) réunie à Beyrouth, Liban, s’est efforcée, durant trois jours, d’approfondir ces questions au travers des récits d’expériences enrichissantes vécues par la trentaine de participantes et participants venus d’Afrique, d’Europe et du Moyen-Orient, représentant des Eglises, des organisations œcuméniques et des groupes de militants non gouvernementaux.
La conférence était organisée par le projet du COE Communautés justes et sans exclusive, et accueillie par le Conseil des Eglises du Moyen-Orient à l’Ecole de théologie du Proche-Orient à Beyrouth, du 5 au 7 décembre.
Les participants d’Afrique ont réfléchi au fait que la migration n’est pas un phénomène nouveau, mais qu’elle est présente depuis toujours, avec toutes les personnes qui se déplacent en quête de moyens d’existence. On a noté également qu’en Afrique la migration interne dépasse en nombre la migration vers l’extérieur.
Les intervenants ont distingué dans la pauvreté, le chômage et le conflit les principales raisons des migrations de masse qui se produisent en Afrique et ailleurs. Face à ces défis, ont-ils dit, la théologie de l’accueil et de l’amour du prochain devient plus essentielle que jamais.
Sarah Silomba Kaulule, vice-présidente de la Commission de Foi et constitution du COE, a contribué à la discussion en centrant ses commentaires sur la situation des migrants en Zambie; elle a fait observer que l’évolution des paysages ecclésiaux exige que nous prenions en compte les questions des relations interreligieuses, de l’identité, de la justice, du racisme, de la défense des causes et de la diaconie dans notre approche des migrants – nos prochains.
“La mission de l’Eglise est d’accueillir les migrants et les réfugiés. Pour cela, nous avons besoin d’une base solide qui ne cause ni divisions ni déplacements dans les Eglises, mais qui nous aide à nous comprendre et à nous accepter réciproquement, conformément à l’appel à ‘être un’ qui inspire l’objectif œcuménique que nous poursuivons”, a-t-elle déclaré
Mme Kaulule a encouragé les Eglises à surmonter les défis en offrant un espace sûr à toutes les personnes, y compris les migrants, qui sont souvent victimes d’abus et deviennent la proie de la traite des êtres humains, pratique commune au voisinage des frontières.
Les expériences décrites par les participants ont montré à quel point les migrants sont confrontés à l’exclusion sociale, et sont traités comme “l’autre”.
La conférence a aussi abordé des questions touchant les relations entre les genres et la dynamique familiale. On a mis en évidence le fait que les changements qui interviennent dans les relations de pouvoir quand les femmes assument le rôle de soutien de famille peuvent déboucher sur des actes de violence domestique.
En outre, les femmes migrantes sont parfois victimes d’abus sexuels. Pour lutter contre cette violence et soutenir les migrantes, les Eglises ont réaffirmé leur rôle dans la définition d’un point de vue éthique fondé sur la foi, à partir duquel on pourrait aborder ces questions.
Passant en revue les résultats des discussions, les participants ont cité plusieurs passages bibliques appelant à “libérer les plus démunis et les marginalisés”, vision que les Eglises peuvent incarner en multipliant leurs efforts déterminés pour soutenir les communautés de migrants.
La situation spécifique des migrants en Europe a incité à poser des questions touchant l’identité, la diversité culturelle, et l’interaction dynamique entre les Eglises traditionnelles et les nouvelles Eglises internationales, appelées parfois “Eglises de migrants”.
Le pasteur Gerrit Noort, directeur du Conseil missionnaire des Pays-Bas, a parlé des défis posés par le multiculturalisme. “Les communautés de foi et les Eglises, a-t-il déclaré, apparaissent comme des espaces et des sites sociaux propres à favoriser les expériences d’approche des questions relatives à la diversité culturelle en Europe.”
Prenant l’exemple des Pays-Bas, Gerrit Noort a indiqué que “les ‘anciennes’ et les ‘nouvelles’ Eglises aux Pays-Bas sont toujours plus attentives les unes aux autres et se montrent proactives dans la coopération œcuménique.”
Selon lui, ces changements dans le paysage ecclésial sont de nature à influencer et orienter les relations entre les Eglises en direction d’une coopération œcuménique plus étroite, pleinement ouverte à la diversité culturelle.
Répondre à la dynamique de la migration
La dynamique du “printemps arabe” et ses effets sur la migration au Moyen-Orient ont donné matière à des commentaires éclairants. Tant les intervenants de la région que les hôtes ont exprimé leurs points de vue sur la complexité des événements politiques, qui incite de nombreuses personnes à choisir d’émigrer.
Face à la vague actuelle de migration, avec toutes les personnes qui fuient les troubles politiques, le conflit et la persécution, il est particulièrement important de promouvoir le respect des minorités religieuses et d’engager un dialogue interreligieux constructif, ont constaté les participants.
Selon M. Audeh B. Quawas, Jordanie, membre du Comité central du COE et membre du Patriarcat orthodoxe grec de Jérusalem, “les Eglises devraient faire plus pour promouvoir le respect à l’égard des minorités religieuses et pour engager un dialogue positif, en particulier entre chrétiens et musulmans.”
“Les Eglises du Moyen-Orient sont appelées à vaincre la crainte et le sentiment d’insécurité qu’éprouvent les membres de communautés qui choisissent d’émigrer, car leur démarche fait peser une grave menace d’exode des cerveaux dans nos pays”, a-t-il déclaré.
La question de la “migration forcée” a été discutée en détail. Beaucoup de personnes fuient leur foyer en raison de catastrophes écologiques. En d’autres termes, les catastrophes environnementales peuvent être cause de migration.
Le pasteur Asora Amosa, de la Conférence des Eglises du Pacifique, a mentionné le réchauffement planétaire et les changements climatiques comme les principaux motifs d’émigration dans sa région; il a décrit les initiatives prises par les Eglises pour venir en aide aux personnes déplacées pour des raisons environnementales.
Situant dans une perspective éthique le soutien apporté par les Eglises aux migrants, il a affirmé que “la base théologique de la préoccupation des Eglises à l’égard de l’environnement est la relation de Dieu avec son monde créé.”
“Si nous voulons être de bons intendants de la création de Dieu – fanua (la terre) et moana (la mer), a-t-il ajouté, nous devons réfléchir à l’histoire de la Création dans le livre de la Genèse, qui souligne que Dieu est notre Créateur et que nous sommes sa création.”
Selon le pasteur Amosa, c’est sur cette base théologique que repose la détermination à aider les personnes déplacées pour des raisons environnementales, dans le contexte des forces qui changent le paysage ecclésial du monde.
Au terme de la conférence, un groupe de travail a été chargé de préparer une déclaration théologique sur la migration, dans l’espoir que ce document viendra enrichir les discussions qui auront lieu en automne 2013 lors de la Dixième Assemblée du COE à Busan, Corée, autour du thème “Dieu de la vie, conduis-nous vers la justice et la paix”.
13:44 Publié dans Réflexions théologiques | Commentaires (0) | Lien permanent
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