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17/09/2010

Prédication de Marianne Ouattara-Geroult

Notre Permanente nationale, Marianne Ouattara-Geroult, a donné une prédication lors de la fête de Mosaïc à Lyon, les 3 et 4 juillet derniers. Nous la reproduisons ci-dessous. 


 

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Deux frères.

Pas deux existences exceptionnelles, que ce soit en bien ou en mal.

Pas deux destinées romantiques ou fantastiques.

Juste deux frères…

Le cadet, rêveur, solitaire, peut-être même un peu mal aimé de sa famille… 

Il est souvent dans la lune, ou plutôt dans le brouillard… 

D’ailleurs il s’appelle Abel, ce qui signifie « buée ».  

Il a décidé assez tôt de s’occuper des animaux, il est devenu berger. 

Presque inexistant dès sa naissance, mais reconnu et aimé de Dieu...

Le frère ainé, lui, paraît beaucoup plus sûr de lui. 

Reconnu par sa mère dès sa naissance avec une grande fierté, voire même une arrogance, puisqu’elle dit : « J’ai procréé un homme avec le Seigneur ! ». Quelle phrase ! Quelle prétention !

Il s’appelle d’ailleurs Caïn, ce qui signifie « j’ai acquis ». 

Il en gardera toute sa vie un fort besoin de reconnaissance. Il cultive le sol… 

Lui aussi est reconnu par Dieu qui lui adressera même la Parole dans le pire moment de sa vie.

 

Deux frères, 

Deux trajectoires différentes…

Beaucoup d’incompréhension…

 

Frères et 

sœurs en Christ, 

vous qui êtes ici présents, vous le savez, des conflits entre frères et sœurs, au sein d’une famille, c’est assez fréquent !

Le motif en est souvent la jalousie, ou une injustice ressentie, ou encore le désir d’avoir ce que l’autre possède.

Vous est-il arrivé de voir quelqu’un de votre entourage être « mieux traité » que vous ?

Dans votre famille, votre mère ou votre père avaient-ils/ont-ils un « préféré » parmi leurs enfants ?

Ne sommes-nous pas souvent témoins de différences de traitement : 

- entre l’ainé et le cadet, 

- entre un homme et une femme, 

- entre une personne à la peau colorée et une autre à la peau blanche…,

- discrimination à l’embauche, contrôle au faciès…

Les exemples pourraient être nombreux encore.

Notre récit biblique d’aujourd’hui nous parle donc de deux frères, Caïn et Abel.

Il se situe peu de temps après le récit de la création. 

L’être humain, dès son entrée en société, est donc confronté au prochain dans sa différence. 

Et la Bible nous parle de fraternité sans l’idéaliser. 

En effet, les frères dans la Bible ont souvent des relations conflictuelles :

Isaac et Ismaël, Jacob et Esaü, Joseph et ses frères, n’ont pas eu des relations particulièrement

« fraternelles ».

Caïn et Abel sont frères, mais cette première rencontre avec l’autre débouche sur la violence et le meurtre.

Caïn est confronté à une injustice. 

En effet, Dieu préfère l’offrande d’Abel à la sienne.

La violence est révélée par l’absence de parole :

- D’une part,

Abel ne parle pas.

- D’autre part, le texte nous dit que Caïn parle à Abel, mais il manque le contenu de cette parole ! 

C’est comme si le texte nous disait que Caïn avait parlé, mais qu’il n’avait rien dit !

Autrement dit, entre les frères, il y a peut-être eu quelques paroles de l’ainé, mais PAS DE DIALOGUE.

Ainsi, ce récit pose la question de la rencontre, et du dialogue.

Très souvent, trop souvent, aujourd’hui encore, dans notre société, l’injustice, l’humiliation, l’absence de dialogue, débouchent sur des violences, des tortures, des meurtres…

Il est bien difficile d’accueillir l’autre, tout dépend du regard que l’on porte sur lui. 

Le danger est de s’enfermer dans un rapport entre moi et l’autre, entre « JE » et « TU », rapport dans lequel il est plus facile de dire « tu », un « tu » accusateur même. 

Plus facile de dire « tu » que de dire « je », de dire ce que « je » ressens. 

Et c’est là, dans ce rapport entre moi et l’autre, qui ne laisse pas de place au véritable dialogue, c’est là que cette relation peut devenir meurtrière.

Ainsi Caïn, aliéné de lui-même, est prisonnier de l’image qu’il a de lui, de l’image qu’il a reçue de lui. 

Mais il est aussi prisonnier de l’image qu’il a de l’autre, de son frère. 

Caïn est enfermé dans le cercle vicieux de la violence meurtrière. 

Il est en colère, et c’est à ce moment là, au moment même de sa colère, que Dieu est présent à ses côtés. 

Dieu dit alors à Caïn : « Pourquoi t’irrites-tu ? Pourquoi ton visage est-il abattu ? Si tu agis bien, ne le relèveras-tu pas ? Si tu n’agis pas bien, le péché, tapi à ta porte, te désire. Mais toi, domine-le. ». 

Autrement dit, Dieu averti du danger de se laisser dominer par la colère.

Ainsi, aussi étonnant que cela puisse paraître, nul besoin que tout soit en ordre dans notre vie pour que Dieu vienne vers nous.

Car Dieu vient dans l’inattendu, quand on ne l’attend pas.

Dieu parle à Caïn, pour l’amener à réfléchir, à dialoguer, à sortir de sa colère, à changer son regard sur lui-même, sur sa vie, et sur son frère. 

Dieu offre la possibilité de se relever et de venir chercher de l’aide auprès de lui.

Dieu n’attend rien en échange de sa grâce…

Dieu vient donc dans notre vie, au cœur de nos relations, pour nous aider à dépasser le dualisme entre « je » et « tu » lorsque celui-ci devient mortifère.

Ce texte nous dit qu’on ne peut certes pas éviter la confrontation avec l’autre, mais que ce face à face est là pour déboucher sur un autre regard, un regard qui accepte la différence, et qui accepte l’aide de Dieu, ou des autres.

Oui, nous avons besoin d’un Dieu qui soit là comme un tiers et qui donne la parole, surtout lorsque la parole est difficile.

Il s’agit là de changer notre regard sur l’autre dans nos relations. 

Pouvoir se regarder et regarder l’autre, comme dans un miroir. 

En effet, si les deux frères, Caïn et Abel, s’étaient retrouvés comme partenaires qui ont besoin l’un de l’autre, ils auraient pu découvrir un autre mode de relation que celui de la violence, ou de l’indifférence.

Frères et sœurs, c’est ce que nous sommes appelés à faire et à devenir, nous Eglises de différentes origines, et de différents horizons, nous sommes appelés à devenir des partenaires, des frères et des sœurs, ayant besoin les uns des autres !

Et puisque nous sommes toujours invités à progresser dans nos relations, revenons à notre récit et regardons un peu l’évolution des relations entre Caïn et Abel.

Notons d’abord que dès le début, Abel est dit « frère de Caïn », et non l’inverse. 

Etre le frère de quelqu’un peut-il être une relation à sens unique, sans relation mutuelle ?

Je peux très bien « avoir un frère », mais cela ne signifie pas que je suis une sœur, ou un frère, pour lui !

En effet, on ne choisit pas d’avoir un frère, mais on peut choisir, avec l’aide de Dieu, d’être un frère pour l’autre !

Dans notre récit, Caïn n’a pas choisit d’avoir un frère, mais il a en plus refusé d’être un frère pour Abel.

En termes de relations familiales, de lien du sang, on peut « avoir un frère, une sœur », c’est une relation réciproque imposée.

Mais notre récit aborde aussi une autre dimension : celle d’être un frère, choisir d’être un frère, une sœur, c’est une relation qui n’est pas forcément réciproque.

Nous pouvons alors nous demander : de qui est-on le frère, la sœur ?

Ainsi, lorsqu’on entre en relation avec un autre, différent, la question n’est pas de savoir comment est l’autre pour nous, ce qu’il peut nous apporter, mais la véritable question est : qui devons-nous être pour l’autre ?

Il en est de même lorsque nous nous rencontrons entre chrétiens d’origines diverses !

Nous nous disons protestants, évangéliques, frères et sœurs en Christ…

Mais comment vivons-nous vraiment la fraternité humaine, avec nos différentes théologies, confessions, et nos différentes cultures ? 

Quel frère, quelle sœur pouvons-nous être les uns pour les autres ?

Cette question rejoint le message que Jésus nous fait passer dans l’Evangile.

« Qui est ma mère et qui sont mes frères ? » demande Jésus.

Puis il ajoute que ses frères et sœurs sont tous ceux qui font la volonté de son Père.

Jésus opère ici une véritable révolution qui sera reprise dès les premières communautés chrétiennes, qui se sont pensées comme des communautés de frères et sœurs, enfants d’un même Père.

Cela n’a pas empêché les difficultés et les problèmes de surgir.

L’apôtre Paul développera donc des règles pour aider ces communautés à vivre en articulant les diversités…, pour former ainsi un seul corps avec plusieurs membres.

Ainsi, frères et sœurs, en théorie, nous faisons bien partie de la grande famille chrétienne. 

Mais l’Evangile nous invite à le vivre en pratique. 

Comment vivre cette fraternité qui dépasse largement les liens du sang ?

Quelle fraternité pouvons-nous vivre, nous protestants évangéliques, réformés, pentecôtistes, luthériens, de différentes origines, de différentes cultures, mais tous enfants de Dieu ?

L’Evangile nous invite à vivre la fraternité, mais il nous dit aussi que ce n’est pas facile à vivre. 

Cependant, Christ est devenu notre frère, il nous a pardonné sur la croix. 

Ainsi, pour vivre cette fraternité, nous avons toujours besoin du pardon de Dieu.

Quand les relations avec les autres sont difficiles, quand la confrontation est inévitable, on ne peut en sortir que par le pardon qui vient en Christ, sans condition. 

Comme le dit l’apôtre Paul, là où le péché abonde, la grâce surabonde.

Et ce pardon, Caïn l’a reçu, en recevant ce signe protecteur de Dieu sur lui.

Vivre la fraternité, être un frère pour l’autre, cela ne signifie pas « gommer les différences », mais former une mosaïque diverse et colorée qui peut prendre la forme du visage du Christ.

Que le Christ nous donne son Esprit-Saint pour que nous vivions cette fraternité diverse et colorée, les uns avec les autres, dans la paix, l’amour et le respect mutuel.

Amen ! 

 

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